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Plus de 130 000 Haïtiens vivant en République dominicaine risquent d’être rapatriés vers leur terre d’origine, après le 18 juillet 2016, s’ils ne sont pas enregistrés auprès de l’immigration dominicaine. Une situation qui risque de déboucher sur une crise humaine sans précédent, craignent les organismes venant en aide aux rapatriés.
Le 18 juillet prochain marquera la fin du délai pour le renouvellement des permis de séjour délivrés, en mai 2015, dans le cadre du plan national de régularisation des étrangers (PNRE). Valide pour un an, le permis de séjour devait laisser du temps aux migrants pour mettre à jour leur dossier.
Les cartes de séjour délivrées à 130 000 haïtiens ont expiré en mai 2016. Cette situation rend susceptibles d’expulsion tous les ressortissants haïtiens qui vivent de façon irrégulière en République dominicaine.
« Si en un an ces migrants n’ont pas pu s’arranger avec les autorités dominicaines, ce n’est pas en quelques jours qu’ils vont réussir à le faire », affirme Lissaint Antoine, du Service Jésuite pour les migrants (SJM). « La majorité de ces 130 000 personnes n’ont pas les moyens financiers nécessaires et les documents exigés pour le renouvellement de leur titre de séjour ». Pour les organismes haïtiens de défense de droits humains, les autorités dominicaines n’ont jamais voulu résoudre ce problème une fois pour toutes. Pour entrer dans ce plan, on exige aux migrants de présenter une attestation d'emploi alors que la carte de séjour qui leur a été remise ne donne pas le droit de travailler.
Pour le Groupe d’Appui aux Réfugiés et aux Rapatriés (GARR), la situation s’annonce plutôt sombre pour les migrants haïtiens qui pourraient être rapatrié à partir du 18 juillet 2016. « Les organisations qui soutiennent les migrants n’ont ni les moyens financiers ni le logistique nécessaire pour accueillir toutes ces personnes », regrette Josué Michel, assistant de communication du GARR. Selon ce que révèle le rapport du mois de juin 2016 du GARR, il est constaté une augmentation des rapatriements pour les mois de mai et juin, prévient Josué Michel.
De la fin du PNRE le 17 juin 2015, à la deuxième semaine du mois de juin 2016, le GARR a observé une intensification des rapatriements. Au cours de cette période, 112 625 personnes, soit 69 677 retours volontaires ont été enregistrées à la frontière.
Depuis septembre 2013, des femmes enceintes, des mineurs livrés à eux-mêmes, des vieillards, sont expulsés chaque jour du territoire voisin dans des conditions infrahumaines. « Les rapatriés arrivent nus, dépouillés de leur bien et séparés de leur famille. Parfois ils sont malades ou grièvement blessés », fait savoir le Service Jésuite pour les migrants. 130 000 de plus risquent d’aggraver la situation.
Les organisations de défense des droits humains font de leur mieux pour aider les rapatriés, mais les moyens manques. Parfois, il leur faut des soins médicaux, de l’argent pour qu’il puisse rejoindre leur famille ici en Haïti, une assistance psycho-sociale et bien d’autre chose, pour citer Jean Philippe Thomas, membre de la commission nationale contre la traite des personnes. « Nous n’allons pas nous réveiller un matin et trouver 130 000 personnes à la frontière, mais elles seront rapatriées de façon progressive sur tous les points frontaliers officiels ou non, et c’est ce qui va compliquer la situation », signale le commissaire.
Sur 300 000 paquets de document promis par l’Etat haïtien dans le cadre du programme PIDIH, 200 000 ont été distribués, incomplets pour la plupart, ou livrés à d’autres personnes autre que les vraies concernées. Une situation que dénonce le GARR qui en profite pour condamner le laxisme des dirigeants haïtiens qui n’ont rien fait de concret à quelques jours de la date fatidique du 18 juillet.
Les vagues de rapatriements enregistrés par les organismes d’aide aux migrants rentrent dans le cadre de l’application de l’arrêt 168-13 pris le 23 septembre 2013 par la cour constitutionnelle dominicaine supprimant la nationalité dominicaine à des millions de dominicains d’origine haïtienne en majorité.
Métischelath JOASSAINT/ Lindy MICHEL
« Ce reportage a été réalisé dans le cadre de l’atelier de renforcement de capacité des jeunes professionnels des médias et bloggeurs sur « les droits humains, la gouvernance et la démocratie » organisé par Panos Caraïbes en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Bureau régional pour les pays de la Caraïbe et de l' Amérique Latine (BRECAL) du 4 au 8 juillet 2016.